Paris, le 13 septembre 2023
Nous nous apprêtions à envoyer un communiqué de presse sur le programme final de l’édition 2023 des États Généraux des Musiques du Monde (voir ici). Un message plein de joie, mâtiné d’une certaine fierté, à la perspective de riches échanges entre les acteurs institutionnels français et internationaux, les opérateurs de terrain, les artistes et les responsables culturels venus de divers pays (dont le Mali, la Syrie, la Palestine,…) qui viendront les 19 et 20 septembre prochains partager leur vision de la place des artistes en général, et ceux des Musiques du Monde en particulier, dans le contexte international d’aujourd’hui. Mais hélas, il prend ce jour une toute autre teneur.
Sur le thème « Géopolitique et Musique », l’édition 2023 des États Généraux n’a eu de cesse d’être rattrapée par l’actualité : par les événements au Niger, puis par les autodafés d’instruments de musique (jugés impurs) ordonnés par les talibans en Afghanistan. Désormais, serait-ce de la France que viendrait la menace pour les artistes et les acteurs culturels africains et français ? Ce mardi 12 septembre, le ministère de la Culture, via les DRAC, a indiqué par une note envoyée aux acteurs culturels que :
« sur instruction du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, il a été décidé de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, toute coopération avec les pays suivants : Mali, Niger, Burkina Faso.Par conséquent, tous les projets de coopération qui sont menés par vos établissements ou vos services avec des institutions ou des ressortissants de ces trois pays doivent être suspendus, sans délai, et sans aucune exception. Tous les soutiens financiers doivent également être suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations par exemple. De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces pays ne doit être lancée. A compter de ce jour, la France ne délivre plus de visas pour les ressortissants de ces trois pays sans aucune exception, et ce jusqu’à nouvel ordre. »
Est-ce à dire que les salles et festivals en France ne peuvent plus programmer d’artistes ressortissants de ces trois pays ? S’ils venaient à le faire, quelles en seraient les conséquences ? Y a‑t-il un risque de perte de subventions ou autre ? Un artiste possédant un visa Schengen délivré par un pays européen tiers, donc ayant le droit de circuler en France, peut-il tout de même venir exprimer son art sur nos scènes ?
Prises dans une interprétation “à la lettre”, ces mesures sont en contradiction avec les engagements internationaux de la France qui, notamment, est partie à la Convention 2005 de l’UNESCO « sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ». Elles mettent en danger les artistes de là-bas, qui ne sont pour rien dans les errements diplomatiques entre nos pays, ainsi que les acteurs culturels français : les salles et festivals qui programment, les labels qui ont des projets d’enregistrements, et tout autre opérateur culturel qui travaille avec des artistes, qu’ils soient émergents ou internationalement reconnus, provenant de ces pays. C’est tout un écosystème musical national, par lequel la France rayonne habituellement dans le monde, et donc beaucoup d’emplois qui vont être impactés par ces mesures.
Les artistes ont toujours été des passeurs d’humanisme et de paix, leur libre circulation doit être maintenue sans entrave ni discrimination sur le pays de provenance. Une fois de plus, ces mesures mettent en évidence la question des visas d’artistes qui devrait être une mesure d’exception et inconditionnelle (rappelons que dans certains pays les artistes sont les premières victimes des régimes en place !)
NOUS DEMANDONS DONC QUE SOIT CLARIFIÉE SANS DELAI L’INSTRUCTION DONNÉE AUX ACTEURS CULTURELS, QUANT AUX QUESTIONS QU’ELLE SOULÈVE ET PAR SES CONSÉQUENCES POSSIBLES.
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sébastien laussel, directeur : direction@zonefranche.com / 06 75 79 13 61